Quand la BD lorgne vers le cinéma

Publié le par celiamel-au-beurre-sale

L'institution de la fiction visuelle passe désormais par deux médiums : la Bande dessinée et le cinéma. Outre évidemment cette même appartenance à cette institution, ils possèdent des traits en commun : presque le même âge, un découpage en scènes et en plans et une organisation particulière du temps. Pourtant, la relation cinéma/BD est loin d'être idyllique : si une BD fait « cinéma » c'est qu'esthétiquement elle est réussie, à contrario, si un film fait « BD » il ne s'agit pas cette fois d'un compliment... Alors pourquoi ces adaptations?Quelles en sont les raisons et avantages qui peuvent les expliquer et quels pièges et difficultés peuvent en résulter? Pour tenter de répondre à cette question,nous allons nous appuyer sur des exemples qui appartiennent autant à la BD « franco-belge» qu'à la BD Américaine.

 

Voyons donc dans un premier temps les raisons et autres avantages qui peuvent expliquer cet engouement du septième art pour la BD (encore plus récent en France qu'aux Etats-Unis).

 

 L'avantage est tout d'abord économique puisque le risque pour les partenaires financiers est moindre voire même inexistant dans la mesure où en s'appuyant sur un succès éditorial, ils ne se lancent pas dans l'inconnu . Citons par exemple la société Marvel ; au départ ,en 1939, Marvel était une société d'édition de bande dessinées mais le succès de ses héros (notamment Spider Man, Iron Man ou encore Hulk) a poussé l'entreprise en 2005 a produire elle-même au cinéma ses propres adaptations .L'idée (on en convient aisément),est loin d'être idiote; la communauté Marvel existe et est de fait, relativement puissante représentant donc un vivier de futurs spectateurs non négligeable.

 

 Autre avantage étroitement lié à celui que nous venons de développer précédemment , la possibilité d'élargir le public (qui selon son âge n'est pas tenu de connaître tous les héros de bande dessinée qui se sont succédés ) en apportant à l'adaptation une dimension qui n'apparaissait pas dans la bande dessinée , et cela de plusieurs façons possibles. La première étant dans le choix de la bande son. Par exemple, dans l'adaptation du roman graphique de Marjane Satrapi, Persepolis , le comique du moment où l’héroïne sort de sa nonchalance dépressive sur fond de « Eye of the Tigor » de Survivor, ressort encore plus visuellement que sur le format papier. 

 

Autre façon d'amener une dimension qui n'apparaissait pas , en proposant un traitement plus moderne que ce qui était prévu initialement. A ce titre, même les personnages les plus connus méritent parfois un petit dépoussiérage, et c'est précisément le défi que s'est donné Alain Chabat en 2001 en réalisant Asterix et Obélix:mission Cléopatre . Cette adaptation du héros de la bande dessinée Franco-belge (la seule de la série a être valable) se caractérise par de nombreux anachronismes (clins d’œils cinématographiques ou publicitaires), anachronismes qui s'inscrivent en droite ligne du travail et de l'humour de Goscinny et qui surtout , compréhensibles à la société Française moderne (Itinéris, les 35heures...) lui parle plus et peut expliquer (en partie) le succès du film.

 

 Enfin, le dernier avantage qui peut expliquer l'intérêt de porter sur grand écran des BD est la très nette amélioration des effets spéciaux et images de synthèse qui rendent crédibles l'imaginaire abracadabrantesque des Bédéistes. Du coup, les réalisateurs de renom s'en donnent à cœur joie et ne se privent pas d'adapter les héros de leur enfance. Les exemples sont nombreux : Batman de Tim Burton en 1989 , Hellboy en 2003 de Guillermo Del Toro … Certains Bédéistes vont même jusqu'à adapter leurs propres œuvres amenant ainsi aux adaptations une fidélité de ton et d'atmosphère ; c'est le cas de Frank Miller qui en co-réalisant Sin City en 2005 se permet de retranscrire sur écran des images improbables et conformes à l'esprit des dessins originaux (par exemple, une voiture prenant un virage ,lancée à toute vitesse, les quatre roues décollées du bitume).

 

Néanmoins, présenter une adaptation d'une bande dessinée présente quelques difficultés qui peuvent devenir des erreurs,des pièges ; et c'est ce que nous allons voir dans cette deuxième partie.

 

 La première difficulté étant de synthétiser tout un récit (fait de digressions,de sous intrigues) en un seul scénario. Prenons pour exemple l'adaptation du roman graphique d' Alan Moore , V pour Vendetta , on peut trouver le film assez réussi avec une identité propre que l'on ne retrouve pas si souvent dans les Blockbusters;

 néanmoins les spectateurs ayant lu la version papier ont été très fortement déçus de l'aspect quelque peu édulcoré et manichéen qui était présent dans le film .Selon eux, la portée anarchiste a disparu, tout comme a disparu la complexité psychologique des personnages.

 

 Autre difficulté, rechercher le succès ,au détriment du respect de l'atmosphère du projet originel du Bédéiste. Cette recherche de succès peut passer par des moyens propres aux films à gros budget,à savoir : multiplication des effets spéciaux et surtout invitation de têtes d'affiches, ce fut par exemple le cas pour Asterix aux jeux Olympiques où le spectateur devait se contenter à défaut d'un scénario intéressant de voir défiler des « stars » du grand écran et des « stars » sportives dont le jeu laissait un peu à désirer. A contrario, Marjane Satrapi a repoussé bon nombre de propositions,dont une où sa famille Iranienne aurait été interprétée par Jennifer Lopez et Brad Pitt. Au lieu de cela,elle a préféré (et c'est heureux) d'appliquer l'adage : « on n'est jamais mieux servi que par soi même » et son adaptation de Persepolis a gardé la dimension graphique noire et blanche propre à la version papier, avec une animation minimaliste qui convient au rythme lent qu'elle adopte pour raconter à travers son histoire personnelle,l'évolution politique Iranienne .

 

 Le succès de sa démarche va notamment faire des émules,en la personne de Joan Sfar qui déclare « C'était enfin la bande dessinée qui se servait du cinéma », le convainquant d'adapter lui même son succès éditorial, Le Chat du Rabbin qui devrait sortir en salles le premier juin .

Et ce n'est pas le seul ; Tintin adapté par Spielberg, Luc Besson signant un accord de partenariat avec l'éditeur Glénat, bref,les projets sont nombreux . Le partenariat septième art/neuvième art ne devrait donc pas disparaître de sitôt et peut-être même évoluer dans un sens inattendu, comme nous le suggère Arthur de Pins qui en ayant été récompensé pour son court métrage La révolution des Crabes a décidé de l'adapter en bande dessinée,bande dessinée qui a fait partie de la sélection officielle d'Angoulême cette année .Il en est de même pour Valse avec Bachir,d' Ari Folman,

qui après avoir été récompensé en 2008 au Festival de Cannes a été adapté en bande dessinée,elle aussi primée à Angoulême en 2009.

 

S'il est vrai que le cinéma s'est largement inspiré de la bande dessinée, il semblerait que la bande dessinée commence à prendre timidement mais sûrement sa revanche.

 

Publié dans cinéma- audiovisuel

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D
<br /> Ton projet pour JP? Si c'est le cas, tu vas cartonner! Sujet très intéressant!<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> haha t'es trop forte!Comment t'as deviné? le mot "institution"?"médium" ? je suis démasquée...Sauf que dans mon dossier pour JP j'ai oublié de parler de La Valse de Bachir et ça m'a énervée;mais enfin ...Nous verrons ...Merci en tout cas!<br /> <br /> <br /> <br />